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CONTRIBUTION: REPORT DES ÉLECTIONS, NORMAL
Parler de la décentralisation et des élections, consiste tout d’abord à rappeler les différentes phases de la décentralisation au Sénégal. En effet, le Sénégal a très tôt opté pour une politique de décentralisation et cela, dès notre accession à la souveraineté internationale. La décentralisation, un mode de gestion du pouvoir qui consiste à octroyer des entités territoriales du statut juridique, de personnes morales de droit public doté d’autonomie financière, qui s’administre librement par une assemblée élue au suffrage universel direct sous le contrôle de l’Etat.
D’abord, la première réforme majeure de 1972, qui pose l’acte précurseur de libertés locales avec la création des communautés rurales.
Ensuite, la réforme de 1996, qui consacre la régionalisation avec l’érection de la région en collectivité locale, la création de communes d’arrondissement, mais également en renforçant l’autonomie de gestion par entre autres la libre administration, l’allègement du contrôle et le transfert de 9 compétences.
Et enfin la troisième reforme dénommée l’acte3 de la décentralisation à travers la loi n 2013- 10 du 28 décembre 2013 pour davantage organiser le Sénégal en territoire viable, compétitif et porteur de développement durable.
Une réforme qui consacre deux ordres de collectivités locales au Sénégal à savoir : la commune et le département autrement dit une communalisation intégrale.
Aujourd’hui, au moment où on parle de report des élections locales et de l’augmentation de la caution ainsi que le respect du calendrier républicain, j’estime, à mon humble avis, qu’on ne peut pas tenir ces élections à date échue dans la mesure où, il y a beaucoup de préalables à régler.
D’abord, faire l’évaluation de l’acte 3 de la décentralisation après 5 ans de mise en œuvre.
Il était dit que l’acte 3 plonge ses racines dans une véritable politique d’aménagement du territoire et oriente la concrétisation des aspirations et des espoirs des acteurs territoriaux en vue de bâtir un projet de territoire. Il offre également un espace adéquat pour construire les bases de la territorialisation des politiques publiques. Aujourd’hui, après 5 ans, est-ce que cette volonté a été ressentie véritablement sur la vie des populations locales, je dirai non car les collectivités locales continuent de subir les affres de la précarité avec des difficultés énormes surtout le manque de moyens. En effet, c’est bien de respecter le calendrier républicain dans une démocratie, mais il faut que nos gouvernements sachent raison garder parfois. « Pour réussir la politique de la décentralisation, il faut forcement une implication des populations qui sont les principaux acteurs », disait GANDHI pour assurer le développement local qui est une condition sine qua non pour la mise en œuvre de la politique de la décentralisation. Il y a beaucoup de détails à revoir avant la tenue de ces élections, que ça soit le mode d’élection avec un suffrage universel direct pour au moins respecter le choix du citoyen qui connait directement son maire, la révision du fichier électoral et des listes pour davantage assurer une transparence entre les acteurs, d’où un consensus et une confiance, condition sine qua non d’une démocratie . Aujourd’hui, également avec l’introduction de la fonction publique locale à travers la loi, les collectivités peinent à revoir les textes par rapport au profil de celui qui doit être maire, est-ce qu’il doit être seulement alphabétisé, est-ce qu’il ne faudrait pas davantage exiger certaines conditions surtout par rapport au niveau d’études des maires, la question de la caution qui ne garantit pas une bonne participation citoyenne dans une élection qui est dite locale, le parrainage entre autres. Bref, je ne vais pas entrer dans les débats politico politiciens, mais j’estime que c’est trop tôt de fixer la caution à 20 millions de FCFCA. Heureusement, à travers le dialogue politique, les acteurs sont en train de revoir cette question.
Mais au-delà de cela, l’Etat aussi devrait arrêter de politiser les collectivités locales. La preuve, beaucoup de maires disent ceci : « Nous ne sommes pas d’accord sur la répartition des fonds de concours et de dotations.» Une discrimination totale compte tenu des obédiences. Egalement, par rapport au transfert des moyens, les communes continuent de demander le transfert des BCI Santé, BCI Education à l’Etat. C’est vrai qu’on a initié la loi sur la CEL, la contribution économique locale qui est une bonne opportunité pour les communes pour le moment, mais sa mise en application fait toujours défaut car beaucoup de citoyens n’ont pas cette culture de fiscalité.
Autres problèmes à soulever avec l’acte 3 et qui nécessite une révision avant la tenue des élections pour éviter les mêmes erreurs ou les mêmes difficultés lors de la présidentielle. C’est que comment on peut mettre en place une nouvelle loi depuis 2013 en suppriment les régions et ériger les départements en collectives locales, avec une communalisation intégrale sans tenir compte du niveau d’attractivité des communes qui, pour la plupart, manquent de tout. La preuve, jusqu’ici, il y a certaines communes qui n’ont pas de siège municipal (exemple Darou Mboss département Guinguineo, Dabaly, département Nioro entre autres). Dans ces communes précitées, les maires tiennent parfois leur conseil municipal sous l’arbre à palabres. C’est inadmissible, voire incroyable, et aujourd’hui on veut nous faire croire un développement local, je dirais un développement bocal d’après Boubacar Sidibé professeur de décentralisation à L’IADL. LE DÉVELOPPEMENT LOCAL
En définitive, je propose qu’on reporte les élections, le temps de diagnostiquer et d’évaluer l’acte 3,c’est vrai c’est train d’être fait. C’est bien mais il ne faut pas qu’on se leurre, les collectivités locales regèlent plus les problèmes de partisanerie, de leur réélection, des voyages, gérer le foncier que le vécu quotidien des populations qui ne sont pas souvent impliquées dans les prises de décisions.
Mettons toutes les communes sous délégation spéciale, le temps de revoir tout ça afin de garantir un développement durable tant chanté par nos différents gouvernants.
Par Cheikh Tidiane SARR, journaliste