Un retour en arrière sur l’histoire de Njaaréem permet de constater qu’elle fut implicitement, un espace de la « résistance»., le lieu où la confrérie mouride a pu dérouler sa stratégie sous le contrôle de son fondateur. Ainsi, Njaaréem constitua un lieu de la «révolte» silencieux et réussi contre le système colonial, un territoire d’action et de mobilisations collectives. 

À Njaaréem, les Mourides ont réussi à donner un contenu politique, économique et social à leur projet. Dans ce lieu, la communauté a pu lever des fonds pour construire sa mosquée. En 1916, avec beaucoup d’hésitation, l’administration coloniale autorisa Serigne Touba à construire une mosquée. Celle-ci fut la première grande réalisation de la confrérie. Son achèvement au bout de deux ans fut la démonstration de sa puissance.

« Ce n’est ni une mosquée, ni une grande mosquée, mais une rétribution. » dit Serigne Touba. La mosquée de Njaaréem était la plus belle mosquée à l’époque dans le pays et était le premier symbole construit, entretenu et entièrement pris en charge par la confrérie.

Quand un colon lui dit :« L’impôt est le moyen que nous avons mobilisé pour savoir si les populations acceptent ou non notre autorité. C’est une somme modique de 3 francs, que nous avons toujours du mal recouvrer. Quant à vous, cette année, nous avons constaté que vous demandiez 140 francs ( Somme demandée à chaque Mouride pour les besoins de la construction de la mosquée de Njaaréem) à chaque disciple, et ils ont tellement versé que vois étiez obligé d’annoncer qu’il n’y a plus besoin de continuer à cotiser, car vous aviez obtenu la somme que vous demandiez. » ( Paroles du serviteur du messager de Dieu, Ba, 2023)

Cette collecte est une invite aux Mourides à se responsabiliser de leur sort, à participer et à prendre en charge leurs projets dans le futur. Ce mécanisme explique l’une des clés de réussite des Mourides.

La construction de cette mosquée donna à Njaaréem un rayonnement. C’était une prouesse architecturale, mais surtout elle est une preuve matérielle du dynamisme mouride. Son édification pendant cette époque renseigne aussi dans une large mesure sur la dimension organisationnelle des Mourides. Devant l’impossibilité d’inscrire leurs actions dans le système du contexte ( colonial), les Mourides se sont organisés dans une dimension collective pour réussir à s’imposer et matérialiser leur vision dans ce contexte si hostile. Ça c’est de la vraie politique.

Dr Moustapha Diop

Photo Archives: Mosquée de Njaaréem